Nous re-publions ici une tribune écrite par Jean-Pascal Sibiet et Louis Marty, respectivement Président et Membre des Franco-British Connections, et parue le 8 mars dans Les Echos.
Menacés d’être les premières victimes d’un Brexit qu’ils n’ont pas choisi, les étudiants britanniques pourraient être nombreux à s’envoler pour l’étranger : une opportunité historique pour les universités françaises.
L’envol plutôt que le repli sur soi
Les premiers surpris par la victoire du vote “Brexit” au référendum du 23 juin 2016 ont été les jeunes Britanniques. À une très large majorité (plus de 70 %), les 18-24 ans se sont opposés à l’idée de sortir de l’Union européenne (UE).
Mis en minorité, ils ne devraient pas pour autant renoncer à préférer la promesse de l’ouverture à une logique de repli sur soi. Avant même son entrée en vigueur, le “Brexit” pourrait ainsi provoquer une vague de départs en direction du continent. Les étudiants pourraient bien être les premiers à créer la dynamique.
À ce jour, force est de constater que les échanges universitaires entre les deux pays sont asymétriques. Si quelque 11 725 étudiants français seraient partis étudier outre-Manche en 2013-2014 ( HESA ), le nombre de jeunes Britanniques dans les universités de l’Hexagone ne dépasserait pas 3 650 en 2014-2015, selon le British Council .
Le potentiel est considérable. Le rythme de croissance du contingent des étudiants britanniques en échange à l’étranger est impressionnant : l’effectif total est passé de 18 105 en 2012-2013 à 28 640 en 2013-2014. En ce qui concerne les séjours Erasmus, le nombre d’étudiants britanniques en échange a augmenté de 115 % entre 2007 et 2014, selon The Guardian .
Si la priorité du gouvernement français est de faire de la place de Paris la nouvelle City européenne, capter les flux de jeunes britanniques en recherche de la meilleure destination pour se former – voire pour s’installer – représente certainement un intérêt stratégique pour notre pays. À nous de saisir cette opportunité historique pour renforcer l’attractivité du système académique français.
Le français revient en vogue !
Au nombre des freins majeurs figure le problème persistant de la barrière de langue pour les étrangers non francophones. À cette difficulté s’ajoute la complexité d’un système académique français à la fois fragmenté et peu lisible. Les perceptions négatives de la situation économique française, liées notamment à un taux de chômage de 24 % parmi les 15-24 ans, contribuent enfin à maintenir l’attractivité de la destination France en deçà de son niveau potentiel.
Les atouts de notre pays sont pourtant significatifs. À commencer par un faible coût de scolarité en comparaison des tuition fees britanniques. Selon le British Council, près de la moitié des étudiants britanniques souhaitant partir en échange considèrent ce facteur comme décisif. La France est sur ce plan bien plus attractive que les États-Unis – la première destination des jeunes Britanniques.
La France offre de plus un cadre de vie privilégié en matière de qualité de vie, ainsi qu’un environnement idéal pour l’étude du français. Or, le français est en vogue (et pour de bonnes raisons) ! À en croire le journal The Economist (peu suspect de “French loving”), la langue de Molière serait même “the best language to learn”, en raison de son potentiel différenciant dans une stratégie de carrière – notamment pour son rayonnement en Afrique, foyer de forte croissance.
Vers une nouvelle stratégie franco-britannique
Afin de capitaliser sur le potentiel – encore largement sous-exploité – d’une plus forte attractivité du système académique français, une nouvelle stratégie doit être engagée. Développer les programmes d’échange entre institutions de part et d’autre de la Manche est la priorité. Sciences Po Paris et la London School of Economics (LSE) offrent un exemple de partenariat fructueux.
Faciliter la création de campus universitaires britanniques en France, à l’instar des campus de l’Université de Londres à Paris (1894) ou celui de l’Université du Kent à Lille (2002), permettrait de favoriser l’intégration des étudiants sur le plus long terme. Promouvoir le développement des échanges dans les filières professionnelles et technologiques, notamment dans les grands domaines de coopération industrielle entre les deux pays (l’énergie, le transport, etc.) est également stratégique.
Des efforts significatifs doivent être engagés en matière de gouvernance et de communication. Trop peu de prospective students Britanniques sont informés de la possibilité de suivre des programmes intégralement en anglais dans de nombreuses universités françaises. Autre difficulté majeure : l’absence d’une organisation centrale qui ferait office de porte d’entrée unique à la fois pour s’informer et pour candidater à l’ensemble des programmes d’études disponibles, sur le modèle du UCAS britannique.
Si le Brexit génère des risques, il pourrait être porteur d’une opportunité pour le système universitaire français, l’enjeu de booster l’ouverture internationale de ses jeunes diplômés sera aussi pour le Royaume-Uni une condition décisive du succès de l’économie britannique dans un monde post-Brexit à la fois plus concurrentiel et plus incertain.
Louis Marty est étudiant à Sciences Po et HEC, membre des Franco-British Connections
Jean-Pascal Sibiet est en charge du Programme Young Leaders du Conseil franco-britannique, Président des Franco-British Connections