Le Professeur Philippe Marlière est un Français installé à Londres depuis plus de vingt ans. Il enseigne la politique française et européenne à UCL. Spécialiste de la gauche française, il publie également des recherches sur la politique européenne et les idées politiques.
Pouvez-vous nous présenter votre parcours? Quelle en est la dimension franco-britannique?
J’ai effectué mes études en France jusqu’au DEA, puis je parti en Italie pour rédiger une thèse de doctorat en sciences politiques et sociales à l’Institut Européen de Florence. Mon sujet de thèse était français (“La Mémoire socialiste française”) et mon directeur de thèse britannique. Puis j’ai eu l’idée de postuler à UCL où j’ai eu la chance de commencer comme tout jeune maître de conférence en 1994. Professeur de politique française, j’ai développé des liens universitaires et professionnels avec la France. Je suis, par exemple, l’un des architectes du double diplôme European Social and Political Studies (ESPS), entre UCL et Sciences Po Paris. Venir au Royaume-Uni ne faisait pas parti d’un plan de carrière et les circonstances ont joué un rôle décisif. Au début, mon installation à Londres a été un choc culturel. Aujourd’hui, je me sens parfaitement intégré Ma fille est née ici ; elle se dit “londonienne”. Cela a joué un rôle important dans le processus d’intégration.
Comment décririez-vous la vie universitaire de ce côté-ci de la Manche? Quel regard critique portez-vous?
Le système britannique est le plus flexible et le plus ouvert des systèmes que je connaisse en Europe. Il encourage en particulier le travail en équipe et les formations transdisciplinaires. La recherche est de plus en plus encouragée et les jeunes professeurs sont souvent recrutés sur la base de leurs publications. Le système a changé et devient de plus en plus compétitif. Le travail pour les professeurs en Grande-Bretagne est exigeant, mais très stimulant à la fois. Les étudiants sont très bien encadrés grâce au système des office hours.
Le système n’est évidemment pas parfait. La question des tuitions fees revient souvent. Je me souviens de l’époque où l’université en Angleterre était gratuite. Mais je ne crois pas qu’il y ait une dérive vers une relation de type “consommateur de service” entre les étudiants et les professeurs. Au contraire, il existe une véritable éthique. Les étudiants savent que les professeurs sont disponibles et prêts à les recevoir en permanence.
En quoi votre parcours franco-britannique éclaire-t-il vos recherches sur la politique française et européenne?
Ma recherche se concentre sur les idées politiques et le rôle des partis. Je publie régulièrement des travaux sur la gauche en France et la social-démocratie en Europe. Mon dernier ouvrage collectif, La Gauche radicale en Europe, a paru en 2013. Je publie également dans la presse d’opinion.
La distance géographique entre l’Angleterre et la France me permet de porter de l’extérieur un regard critique sur la situation en France. Je parle régulièrement avec des journalistes et des dirigeants politiques, ce qui me permet de rester informé. Je m’intéresse particulièrement à la différence de perception de sujets politiques, en France et au Royaume-Uni. Les Français privilégient un récit national et un imaginaire abstrait en référence à la “République”.Les Britanniques sont pragmatiques et se méfient de la parole lyrique. . L’Europe fournit une parfaite illustration de cela. A l’opposé de la vision idéaliste française (à l’origine, par exemple, du projet d’une “Europe sociale et politique”), les Britanniques portent généralement un regard plus critique et économique, même s’ils se sentent européens.
Franco-British Portrait Gallery
© Sophie Draveny & Louis Marty